mardi 27 mai 2014

LETTRE A LA MINISTRE DE L'ECOLOGIE 15/5/2014

Mme la Ministre de l’Ecologie,
du Développement durable
et de l’Energie

Grande Arche Tour Pascal A et B
92055 Paris-La-Défense Cedex

Comité « Ligne de vie Nice-Tende » &
Comité franco-italien pour la sauvegarde
et le développement de la ligne Nice-Tende-Cuneo/Vintimille

Tende, le 15 mai 2014.

Objet : Ligne ferroviaire Nice-Breil-Tende-Cuneo,
            tout-routier et transition écologique ???


Mme la Ministre,

    Nouvellement en charge du ministère de l’Écologie et du Développement durable, vous avez fait le choix de mettre en exergue la TRANSITION ECOLOGIQUE sur le portail de votre ministère.
    Par ailleurs, nous connaissons le travail que vous avez fait en matière environnementale dans votre Région.
    Aussi sommes-nous assurés que vous porterez un grand intérêt à la situation de notre vallée doublement menacée, cas d'école typique de cette transition écologique pour laquelle vous oeuvrez, et que vous saurez trouver les moyens d'intervenir dans ce sens.
Vous voudrez bien trouver en pièces jointes le courrier que nous avons adressé dernièrement au Préfet des Alpes-Maritimes, dans le cadre d'une demande d'entretien ; le dossier-requête que nous avons adressé aux députés européens en février ; une carte schématique du territoire transfrontalier que traverse la ligne ferroviaire Nice-Breil-sur-Roya-Tende-Cuneo/Vintimille.
Vous disposerez ainsi d'une grande partie des éléments vous permettant d'appréhender ce dossier.
Les axes tant routiers que ferroviaires sont les plus méridionaux de l'arc alpin entre la France et l'Italie et constituent la voie la plus directe entre Nice et Turin, en passant par l'enclave française de la vallée de la Roya.
La population et les usagers que notre Comité représente sont très inquiets, mais aussi très en colère de la diminution drastique de l'offre ferroviaire tant française qu'italienne, qui la coupe de ses relations économiques et sociales, aussi bien vers la France et la métropole niçoise, que vers le Piémont italien au nord et la Ligurie et Vintimille au sud, ainsi que vers le bassin d'emploi le plus proche, la Riviéra française avec Menton et Monaco.

    Cette ligne est une colonne vertébrale qui traverse un espace naturel privilégié, avec la création du premier parc européen (sous le statut Groupement Européen de Coopération Territoriale), « Alpes de la Mer »,  et sa demande de classement au patrimoine mondial de l'UNESCO en juin dernier : parc national du Mercantour  – parco nazionale Alpi Marittime (Piémont italien) – parc naturel du massif du Marguareïs (Piémont italien) – Parco Alpi Liguri  - Parc Hanbury (Riviera italienne entre Menton et Vintimille) – Zones Natura 2000 en Italie et en France, en particulier 5 dans la vallée de la Roya, ainsi que quasiment toute la crête frontalière ligure.
Ce nouvel espace protégé européen est inclus dans l'une des « 200 éco-régions globales » signalées par le WWF (Fonds mondial pour la nature). De plus, la zone "Alpes maritimes et ligures" a été classée parmi les 10 « points chauds » de la biodiversité en Méditerranée. »
Il saute aux yeux que cet espace naturel, suffisamment exceptionnel pour prétendre à cette candidature prestigieuse et avoir de bonnes chances d'en être lauréat, est réellement situé de part et d'autre de la ligne ferroviaire en question, du sud au nord et d'ouest en est. D'ailleurs, les deux parcs ont créé un label « écomobilité » dans les deux langues ; il est précisé sur leur page internet :
 http://www.mercantour.eu/index.php/activites-humaines/mobilite-douce/la-mobilite-douce
« L'objectif pour les parcs est de compléter cette offre touristique en poursuivant une optique de développement durable. Les Parcs se proposent donc de valoriser la ligne ferroviaire, là où elle est présente, et les moyens de transport collectifs alternatifs dont l'impact environnemental est inférieur aux déplacements en véhicules personnels. »
Il est à noter que la vallée de la Roya fait partie de fait de la charte d’adhésion du parc, et qu’une bonne part du territoire de ses communes se trouve dans le cœur du Parc.
Nous demandons donc instamment que votre ministère s'implique pour faire appliquer cette cohérence territoriale de développement durable que le parc européen annonce, avec le soutien actif de l’Europe, et des gouvernements italien, français, et de la Principauté de Monaco.
Le célèbre Train touristique des Merveilles, du nom de la vallée du même nom (site archéologique protégé de milliers de gravures rupestres et plus vaste monument historique à ciel ouvert en Europe), dans le parc du Mercantour sur le territoire de la commune de Tende, connaît un succès exponentiel, avec plus de 23 000 visiteurs en 2013, en particulier des étrangers du monde entier, contribue à l'accès « doux » à l'ensemble de ce patrimoine naturel et historique, et à son rayonnement : villages des vallées Roya et Bévéra labellisés « Pays d'art et histoire », ligne ferroviaire elle-même susceptible d'un classement compte tenu de ses ouvrages d'art (en particulier ses tunnels hélicoïdaux) référencés dans tous les guides touristiques et les ouvrages sur le patrimoine ferroviaire... Qu’attend donc le Gouvernement pour mettre en pratique les recommandations du rapport édité en 2012 par le Conseil national du tourisme, section des politiques territoriales et du développement durable, « Le devenir des chemins de fer touristiques » ?
A l’heure de la 2ème conférence pour la relance du fret ferroviaire, le 12 février 2014, menée par M. Cuvillier, secrétaire d’Etat aux transports, il faut souligner que cette ligne ferroviaire possède des caractéristiques équivalentes à celle de Modane. De ce fait, elle permettrait, avec des aménagements (électrification, mise en quelques endroits seulement au gabarit GB1), le passage de trains de transport de remorques routières (autoroute ferroviaire) soulageant ainsi le passage à Vintimille de l’A8 en cours de saturation. Or, bien au contraire, elle est littéralement sabotée, en particulier depuis deux ans.
M. Cuvillier, secrétaire d'Etat aux transports, s'est systématiquement défaussé lors des questions qui lui ont été posées par des députés, des sénateurs, ou encore par des courriers d'associations ou de citoyens. Il se réfugie derrière une inatteignable révision de la Convention de 1970 entre la France et l'Italie, jugée unanimement inéquitable et obsolète, car elle stipule que l'entretien de la portion de voie ferrée commune est effectuée par la France, mais est à la charge financière de l'Italie au titre des dommages de guerre...!!! Nous sommes donc dans une situation ubuesque où les gouvernements italiens et français se sont engagés officiellement à réviser cette Convention lors du sommet franco-italien à Rome le 20 novembre 2013 ; où cependant la Commission intergouvernementale ne s'est toujours pas réunie à ce jour ; où il n'apparaît nulle part qu'elle soit prête à le faire ; où M. Rappoport, président de RFF, prétend qu'il ne peut entamer les travaux minimum de sécurité (estimés à 27 millions d'euros) sur la portion de ligne commune à l'Italie et à la France (cependant en France, entre Breil et Tende), tant que cette Convention n'est pas révisée et que, dans le meilleur des cas, il ne disposerait pas des moyens humains pour effectuer ces travaux avant... 2 ans !!! Alors même que RFF a imposé un ralentissement à 40 km/h sur cette portion de ligne depuis le 15 décembre 2013, et que ce type de mesure signe l'arrêt de mort d'une ligne ferroviaire. Où, lors d'une réunion le 6 mai à Breil, le représentant de RFF a déclaré que, pour la SNCF et RFF, cette Convention n'a pas de valeur, puisque eux-même n'existaient pas en 1970... !!!
De son côté, l'Italie fait de même des promesses qu'elle ne tient pas, comme ces 29 millions d'euros annoncés en novembre 2013, ou comme ces 4 courses supplémentaires qui sont réduites à deux en... 2015...
    Il s'agit bien d'un véritable sabotage conjoint, dû un immobilisme de part et d'autre de la frontière : volontaire ou pas, qui donc fait ces choix politiques, Madame la Ministre ?
    Madame la Ministre, pouvez-vous nous indiquer, sinon vers quel saint nous tourner, au moins vers quel interlocuteur, qui ne manierait plus les promesses dilatoires ?

    Parallèlement à cette mort programmée de la ligne ferroviaire, la menace du « tout-routier » se précise avec le démarrage en ce moment-même des travaux pour le doublement du tunnel routier de Tende, que beaucoup s'accordent à trouver vétuste. Le Conseil régional PACA a fait le choix depuis deux ans de ne pas voter les crédits pour ces travaux, pour privilégier le ferroviaire. Or, l'Etat français accepte d'y suppléer, et de prendre en charge 42 % du financement de ce projet, qui semble largement dépasser le cadre d'une simple sécurisation/modernisation : il s'agirait d'un double tunnel à double voie, alors même que la route actuelle permet difficilement d'absorber le trafic, avec la traversée étroite de gorges et de trois villages !! Ce serait donc un appel d'air considérable pour une circulation automobile essentiellement pendulaire, avec embouteillages déjà conséquents les week end, donc  une pollution et une dangerosité routière encore amplifiées.

    En tant que Comité de défense de notre ligne ferroviaire, il n'est pas de notre ressort de préconiser telle ou telle option d'aménagement de ce tunnel routier, mais la situation que nous vivons est si dramatiquement déséquilibrée, que nous ne pouvons pas ne pas dénoncer la schizophrénie patente des gouvernements qui met à mal et les populations, et le patrimoine naturel, et tout l'écosystème dans lequel nous vivons toutes et tous.
    Il s'agit ici de toute évidence d'un double projet d'aménagement du territoire qui ne dit pas son nom, en contradiction totale avec tous les textes et discours officiels sur la nécessaire transition écologique, recommandations du GIEC, Convention alpine, DTA des Alpes-Maritimes, engagements pris par le récent parc européen « Alpes de la mer », etc., qui vient d'être réactivé sur le terrain dans la plus grande opacité, bien loin de tout esprit de concertation et de démocratie participative chère à votre coeur.

    Nous vous demandons donc solennellement, Madame la Ministre, de mettre ici en pratique ce que vous dites ailleurs, afin de ne pas creuser encore une fois et plus encore le sentiment désabusé d'impuissance de la population, et son exaspération.
Nous vous prions d'agréer, Madame la Ministre, nos sincères salutations.
   

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